Le ciel marseillais était chargé tout ce week-end, mais l’horizon semble dégagé pour Jordan Bardella, le candidat du RN aux élections européennes, en meeting ce dimanche dans le palais de l’Europe, un des espaces du parc Chanot, voisin immédiat du Vélodrome.
Et la salle, prévue initialement pour 6.000 personnes, a fait le plein et au-delà même, avec des militants descendus de toute la France. « On voit que la hype, c’est Bardella », s’enjaille Bastien, 38 ans. Venus avec une dizaine d’amis du Nord, de Normandie, de Picardie ou d’Alsace pour assister à ce premier meeting, ils ont profité du week-end à Marseille, et finissent leurs pintes de bière avant d’entrer dans la salle, chauffée par un DJ qui lance notamment Moscow Moscow, entre un Barbie girl et un Claude François.
Trop vieux chez les LR, trop snob chez Zemmour
Leur groupe représente assez bien l’ascension actuelle du RN, qui domine les sondages électoraux. Il y a par exemple François, 25 ans, qui se prépare à assister à son premier meeting du RN : « Je suis passé chez les LR, puis Gen Z (Génération Zemmour). Ils se retrouvent sur beaucoup de points et j’ai rejoint le RN parce que je crois en l’union des patriotes derrière ceux qui sont le mieux placés. Aussi, chez LR, c’était un public âgé et chez Zemmour, surtout des CSP +. Mais moi, je viens d’un milieu populaire et je me trouve mieux ici », explique celui qui travaille dans le médico-social.
« La honte a changé de camp », avance, pour sa part Quentin, 20 ans, étudiant en commerce international. Dans son costume avec une cocarde accrochée au revers de la veste et accompagné d’Emma, maître nageuse, le jeune militant assume, en famille et en toutes circonstances son engagement. « Le camp de la honte, c’est la gauche aujourd’hui ! », savoure-t-il.
Un discours auquel Odette prête l’oreille et s’en délecte, patientant dans la file du camion à burgers. Odette a été rapatriée d’Algérie en 1962, elle avait 16 ans lorsqu’elle est arrivée à Marseille. « Depuis, j’ai toujours voté FN ou RN », assure-t-elle en ouvrant grand son regard bleu surligné d’un maquillage permanent aux sourcils. Et lorsqu’on lui demande ce que lui inspire cette « normalisation » croissante, la sexagénaire sourit et fredonne Le chant du départ, hérité de la révolution française (La victoire en chantant nous ouvre la barrière/La Liberté guide nos pas/Et du Nord au Midi la trompette guerrière/A sonné l’heure des combats).
Annoncé pour 14h30, le meeting a finalement démarré peu après 15 heures, le temps de laisser la salle monter en température et de répartir, voire d’ajouter quelques chaises, montant la capacité d’accueil à 8.000 personnes. Et c’est Marine Le Pen, après une brève introduction de Franck Allisio, député RN de Vitrolles, qui a lancé le show, faisant abondamment siffler Emmanuel Macron, « un président en état de siège, sifflé au Salon de l’agriculture », aux « postures guerrières ».
« Double frontière » et « référendum contre la submersion migratoire »
Elle a dénoncé le « cynisme » d’un « président en état de siège, sifflé au Salon de l’agriculture, et qui croit pouvoir trouver le salut politique dans des postures guerrières qui ont stupéfié les Français », en allusion aux récents propos du chef de l’Etat sur l’envoi possible de troupes en Ukraine. Un discours d’une vingtaine de minutes qui a insisté sur l’« ambiance de fin de règne » de la macronie, avant d’introniser Jordan Bardella.
La jeune tête de liste (28 ans) qui s’essayera pour la seconde fois aux élections européennes a ensuite déroulé les thèmes habituels de la droite identitaire : lutte contre la délinquance et surtout l’immigration, contre laquelle il a plaidé pour une « double frontière : nationale et européenne » et l’organisation « d’un référendum contre la submersion migratoire », dénonçant, « le grand effacement de la France », provoqué par les dirigeants hexagonaux et européens. Avec en toile de fond « la révolte paysanne européenne » qui viendrait valider les idées du RN, a estimé Marine Le Pen. Et Bardella de reprendre, « ne pas être contre l’écologie, mais contre des normes drastiques qu’on n’impose pas à des produits qu’on importe ».
Après quarante-cinq minutes d’un discours, l’assemblée s’est dissoute en chantant une Marseillaise. Et de ressortir de la salle après une forte averse et sous un ciel toujours gris et pluvieux. Mais dans la tête des militants RN, et au vu des dynamiques actuelles, l’horizon est clairement au bleu Marine. Et ce ne sont pas les 600 manifestants réunis à Marseille contre ce meeting qui semble pouvoir y faire barrage.