A Vitrolles, des ballets de Stravinsky revisités par la vidéo, transcendés par l’Orchestre de Paris

, A Vitrolles, des ballets de Stravinsky revisités par la vidéo, transcendés par l’Orchestre de Paris
« Ballets russes » au Festival d’Aix-en-Provence, le 7 juillet. « Ballets russes » au Festival d’Aix-en-Provence, le 7 juillet.

Alors qu’il était de nouveau inauguré pour l’ouverture de la précédente édition aixoise, le Stadium de Vitrolles (Bouches-du-Rhône), cube de béton noir édifié par Rudy Ricciotti, accueille cette saison le sixième et dernier spectacle programmé pour les 75 ans de la manifestation. La proposition se veut spectaculaire, qui revisite également le répertoire symphonique interprété, comme en 2022, par l’Orchestre de Paris, non plus sous la baguette star d’Esa-Pekka Salonen mais sous celle d’un autre chef finlandais, le jeune directeur musical de la phalange parisienne, Klaus Mäkelä.

Après la Symphonie n°2 « Résurrection », de Mahler, place aux trois ballets russes de Stravinsky – L’Oiseau de feu, Petrouchka et Le Sacre du printemps –, tous créés à Paris par la compagnie des Ballets russes de Serge de Diaghilev, chronologiquement en 1910 à l’Opéra de Paris, en 1911 au Théâtre du Châtelet, l’exécution du « Sacre » en 1913 au Théâtre des Champs-Elysées provoquant l’un des scandales les plus retentissants de l’histoire de la musique.

La danse a laissé place à l’image, les chorégraphes aux vidéastes, dont les films contrepointent une musique désormais le plus souvent programmée lors de concerts symphoniques dans le monde entier. Mais, sur le principe, rien de choquant. Projeté sur grand écran en fond de scène, Planetarium (2016), de Rebecca Zlotowski, ouvre le triptyque avec L’Oiseau de feu. Le film, dont le tournage avait été accompagné, dit-elle, par la « Berceuse » stravinskyenne, avant le réveil puis la mort du méchant sorcier Kotcheï, lequel retient encore chevaliers et princesses, finalement délivrés par le tsarévitch Ivan et son Oiseau de feu.

Dimension sacrificielle

Sur le conte russe et sa quête musicale, l’écran déroule par bribes l’histoire de deux spirites américaines, les sœurs Kate et Laura Barlow, et d’un célèbre producteur de cinéma des années 1930, André Korben, qu’elles ont mis en relation avec un fantôme, une expérience qu’il cherche à fixer sur la pellicule. Esthétique soignée, plongée dans le monde interlope de la nuit et de l’art, raffinement de toilettes élégantes, la beauté de Natalie Portman et de Lily-Rose Depp explose à chaque instant tandis qu’Emmanuel Salinger promène son regard esthète de grand mélancolique sur un monde dont il ne pressent pas le danger belliciste. Malgré d’indéniables atouts charme, le rapport entre la partition et sa « projection » visuelle ne parviendra pas à sortir de l’usuel duo film et bande-son.

Constat à peu près similaire pour le troisième film, consacré par Evangelia Kranioti au Sacre du printemps. La vidéaste grecque, dans la résonance de son premier documentaire sorti en 2015, Exotica, Erotica, Etc., évocatoire des relations entre marins et prostituées, a rapporté de tous les continents des séquences magnifiques de célébration de la nature. Elle dénonce aussi la violence urbaine et le sort terrible réservé aux déshérités. A l’instar de ces migrants funambules dormant sur le terre-plein bétonné d’une autoroute, de ces noyés en habits de carnaval flottant dans la Grande Bleue.

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