Choisi par le Pape François pour devenir cardinal l’an dernier, Mgr Jean-Marc Aveline est l’homme qui a réussi à convaincre le Saint-Père de venir à Marseille ce weekend. Cette visite, inédite depuis 500 ans, était espérée depuis des années. Jean-Claude Gaudin ne s’en cachait pas, c’était l’un de ses rêves pour Marseille.
Une vision partagée avec le Pape François
Mgr Jean-Marc Aveline a construit une réelle proximité et une relation particulière avec le Pape. S’il continue d’officier chaque dimanche dans son diocèse de Marseille, le cardinal se rend au Vatican tous les 15 jours, et surtout partage avec le Pape les mêmes valeurs : celle d’une vision humaniste et un regard tourné vers le dialogue interreligieux, en particulier en Méditerranée.
Ces Rencontres Méditerranéennes s’inscrivent pleinement donc dans cet esprit et cette vision.
Mgr Aveline le reconnait : « la venue du pape: vu de loin, c’est surtout ça que l’on voit. » mais il espère « éclairer grâce à lui tout le reste », les valeurs et les messages portés par ces Rencontres Méditerranéennes. Et notamment le travail et les conclusions portés par les 70 jeunes et 70 évêques réunis toute la semaine. C’est aussi l’ambition du festival associé et ouvert au grand public, qui doit permettre « de dépasser largement les frontières de l’église. L’idée du festival, c’est de prendre le plus possible de gens avec nous, qu’on aide à une prise de conscience des questions méditerranéennes, être éveillé à ses problèmes, pour penser ensemble notre propre avenir. »
Mgr Aveline le souligne « Pour le Pape, la Méditerranée lui tient à cœur. Il y a 10 ans, son premier voyage fut à Lampedusa. Pour ces rencontres, on a fait le choix de mettre en lumière quatre défis: celui de la pauvreté et de questions socio-économiques, le défi environnemental, le défi migratoire, et enfin le défi des tensions géopolitiques souvent liées à des facteurs religieux. »
Marseille, un condensé des enjeux de la Méditerranée
Cet événement est en réalité la troisième édition. Après Bari en 2020 et Florence en 2022, à l’initiative de la conférence épiscopale italienne de permettre aux évêques du pourtour méditerranéen de se rencontrer, car ils n’ont n’en pas l’occasion habituellement.
« J’ai vu le Pape, avec lui nous avons petit à petit trouvé le bon format. Celui d’inviter des jeunes de toute confession plutôt que des maires comme lors de la précédente édition. Puis nous avons travaillé durant l’été avec les évêques pour présenter quelque chose au Pape » explique t-il.
Cette édition aurait dû se faire sur la rive sud. Beyrouth, Tunis ou Rabat avaient été envisagés, mais c’était trop compliqué, et Jean-Marc Aveline a alors proposé Marseille au Pape.
« Marseille peut être le lieu d’une impulsion. Marseille est une zone de fracture, et lui il choisit d’aller là ou il y a des zones de fractures. C’est pour cela qu’il vient à Marseille et pas en France.» Mgr Aveline
Le Pape François était venu à Bari lors d’une précédente édition de ces rencontres d’évêques. En impliquant les jeunes, des thématiques essentielles sur lesquelles Mgr Aveline et le Pape François partagent le même point de vue, sa venue à Marseille semblait donc une évidence.
Le cardinal raconte comment il l’a convaincu de venir mais surtout d’y rester plus de 30 heures.
« Je lui ai fait l’article de Marseille«
Avec son sourire et sa faconde, mais aussi de sérieux arguements, il a vendu Marseille au Pape François.
« Je lui ai fait l’article, c’est une ville qui a de quoi l’attirer. Elle correspond tout à fait à ses périphéries. Marseille est une ville qui l’attire. Il est impatient de venir. » Mgr Aveline
A Bari, il était resté seulement trois heures. Le talent du cardinal Aveline, c’est d’avoir transformé cette simple participation à une conclusion d’une rencontre entre évêques et jeunes en un voyage de deux jours impliquant Marseille et même, quoi qu’on en pense, toute la France.
Par petites touches, la visite s’est allongée. « Quand il y a un événement heureux ou malheureux, on monte à la bonne mère » Voici casée l’étape de la Bonne Mère et naturellement celle de l’hommage aux migrants puisque la stèle est à proximité.
Idem pour la messe au stade vélodrome. Là aussi le Cardinal a su se montrer convaincant en expliquant ainsi au Pape : « Vous ne venez pas en France de manière officielle, mais vous ne pouvez pas empêcher la France de venir prier avec vous » Et c’est ainsi que cette grande messe au stade vélodrome s’est rajoutée au programme, d’autant plus que le Pape François est un amateur de football, pas insensible à l’idée de venir prêcher dans ce temple du sport en France.
La montée du Prado à papamobile : Là aussi et encore une fois, Mgr Aveline lui explique que le stade ne suffira pas, et que cette séquence permettra de toucher tous ceux qui seraient restés sur le carreau.
Quand à la présence du Président Emmanuel Macron, il semble qu’elle se soit rajoutée dans un second temps. Si Mgr Aveline reste peu disert sur ces enjeux politiques, on comprend assez aisément que tous ces échanges, tous ces messages n’ont une réelle portée que s’ils touchent aussi les dirigeants. « Aucun de ces problèmes ne peut être affronté seul » reconnaît-il. Et d’ailleurs, à l’image de la Présidente de la Banque Centrale Européenne, Christine Lagarde invitée ce jeudi, des ambassadeurs du monde économique et du monde artistique sont aussi conviés à ces rencontres.
Le Pape a quand même lui aussi participé au programme. C’est lui a souhaité rajouter personnellement quelques étapes à son voyage, donnant des insomnies aux services de sécurité : Il a insisté pour prendre son petit déjeuner samedi matin avec des personnes en précarité économique. La rencontre a été rajoutée à la dernière minute au programme et se fera dans le quartier St Mauron dans le centre de Marseille.
Une visite historique pour Marseille
Que restera t-il de cette visite ? Mgr reste modeste. « Pour le moment je vois une belle fierté, une belle occasion dont on se saisit de montrer de Marseille un visage positif, à travers cette mosaïque que l’on donne à voir. C’est ce que l’on est, et on n’a pas à se forcer pour le montrer »
S’il a pris des galons au sein du Vatican, Jean-Marc Aveline a toujours gardé son regard du minot des quartiers nord de Marseille et n’oublie pas d’où il vient.
« Ca promet d’être un beau moment. » explique t-il avec une certaine émotion cachée derrière son sourire. « Ce qui me touche beaucoup, c’est la joie des Marseillais d’être sous les feux de la rampe pour quelque chose qui concerne bien au delà de la religion catholique, c’est de trouver un vecteur d’unité que cette ville porte en elle et que cette ville puisse le montrer au monde entier ».