« Sylvain, pour moi, c’était un des plus grands guitaristes du monde. Je me suis toujours demandé pourquoi il n’avait pas été reconnu à l’instar d’un Pat Metheny et pour quelle raison il ne sillonnait pas de la même façon le monde. Car il avait vraiment un niveau international. »
En évoquant celui avec lequel il avait encore joué à Vitrolles le 20 janvier dernier, le jazzman cagnois Pierre Bertrand, rencontré à Nice jeudi 14 mars en amont de son concert à La Trinquette à Villefranche-sur-mer, est encore sous le choc. À l’instar d’André Ceccarelli, l’immense batteur niçois et complice de toujours de Sylvain Luc. Comme il nous l’a confié au téléphone, la voix brisée, il devait de son côté se produire aux côtés du guitariste et de Richard Bona ce samedi à Lyon. Car cette disparition aura été aussi soudaine que prématurée. Sylvain Luc, pointure du jazz français, est décédé dans la nuit du mercredi 13 au jeudi 14 mars, à l’âge de 58 ans.
Avec Legrand, Aznavour, Jonasz…
Il avait joué notamment avec Michel Legrand, Charles Aznavour, Michel Jonasz et fait des tournées dans le monde entier. C’est dans les années 1980 que cet artiste originaire de Bayonne avait débuté. Lauréat en 1982 du festival de Jazz de Saint-Sébastien avec son groupe de jazz progressif Bulle Quintet, il s’était ensuite installé à Paris où était devenu arrangeur, compositeur et accompagnateur d’artistes de variétés. En 2000, il avait joué de la guitare et de la basse sur l’album « Les Machines absurdes », de William Sheller.
En 2000, il avait fondé le Trio Sud avec André Ceccarelli et l’autre niçois Jean-Marc Jafet. Un premier disque était sorti dans la foulée. Le groupe avait obtenu la Victoire du jazz en tant que meilleure formation de l’année 2003, à l’occasion de la publication de « Sylvain Luc Trio Sud » en 2002. « Young and fine » avait suivi en 2008.
Un dernier album solo en 2023
Sylvain Luc avait remporté le prix Django Reinhardt en 2011, décerné par l’Académie du jazz. En 2015, il avait enregistré « La Vie en Rose » avec l’accordéoniste niçois Richard Galliano, basé sur un répertoire en forme d’hommage à Édith Piaf. A propos de cette collaboration, l’accordéoniste virtuose nous avait alors confié à l’époque: « Nous avons fait connaissance il y a vingt-cinq ans, lorsqu’il est arrivé à Paris. C’est son frère, accordéoniste lui aussi, qui nous a permis de nous rencontrer. Sylvain m’a rappelé que je lui avais mis le pied à l’étrier avec Jaïro, qu’il a accompagné, de même que Moustaki, ou Catherine Lara. De mon côté, j’étais accompagnateur de Nougaro, de Barbara, jusqu’au jour où Astor Piazzolla m’a convaincu de faire des disques seuls. C’est ainsi que Sylvain, que j’avais un peu perdu de vue et qui avait des envies de carrière solo également, et moi, nous sommes retrouvés dans la même maison de disques, chez Dreyfus Jazz. »
Quatre ans plus tard, il joue en duo avec le trompettiste hyérois Stéphane Belmondo.
Le dernier album solo de Sylvain Luc, « Simple Song », est paru en 2023. De lui, Pierre Bertrand garde aussi le souvenir d’un être aussi humain que positif, avec lequel il avait plaisir à échanger pendant des heures. Foncièrement bienveillant: « Il m’a beaucoup encouragé, conseillé. Il est venu travailler sur mon disque ‘’Joy’’. Et lors de notre dernier concert ensemble à Vitrolles, il avait appris l’intégralité du répertoire par cœur! Il était vraiment prodigieusement doué, c’était un immense artiste. »