« Vous n’auriez pas les chiffres du prochain tirage du loto ? » Cette blague, Roland Marzo, le directeur des opérations informatiques de la Française des jeux (FDJ), l’a entendue 1 000 fois. Mais, bon prince, il la trouve « mignonne » et y répond toujours avec un grand sourire. D’emblée, il précise aussi en nous accueillant sur le site : « Ici, il n’y a pas d’argent« .
À Vitrolles, non loin d’Ikea, des bâtiments discrets – aucun panneau n’affiche le nom de l’entreprise et il y a un poste de garde à l’entrée – abritent les systèmes informatiques de la société, avec deux salles de datacenters (centres de données) de 500 m² chacune, espacées de 400 m, et 550 informaticiens pour veiller sur tout ce qui constitue le cœur technologique de la Française des jeux.
Une centaine d’employés d’autres métiers travaillent également sur ce site de plusieurs hectares : RH, finances, service support des commerçants partenaires… Mais pour résumer, l’activité principale ici est d’enregistrer la grille de loto que vous venez de valider chez votre détaillant, en un éclair.
Trois kilomètres séparent le site de l’aéroport : « En 1976, le loto, c’étaient des cartes perforées qu’on microfilmait et qu’on vérifiait une à une pour trouver le gagnant. La proximité d’un aéroport était un atout« , rappelle Roland Marzo. Aujourd’hui, c’est plutôt un inconvénient : « On peut imaginer le crash d’un avion, il y a eu la German Wings.«
Son rôle est effectivement de parer à toute éventualité : « Les salles des datacenters sont semi-enterrées, les informations qui arrivent (vos grilles de loto donc, Ndlr) sont dupliquées dans ces deux pièces et dans un autre site tenu secret. Tous les ans, on fait basculer le système informatique de l’un à l’autre, pour l’éprouver. Pour l’électricité, c’est pareil. Avec des moteurs thermiques, on peut tenir en autonomie durant 15 jours« .
17 000 serveurs
Toujours pour la sécurité, des bonbonnes de gaz d’argonite sont stockées dans les locaux techniques qui jouxtent les datacenters : « Elles sont utilisées pour la prévention des incendies. On a des capteurs ultra-puissants qui peuvent déceler des microparticules de fumée. À la moindre alerte, l’évacuation de nos opérateurs est immédiate. On enlève l’oxygène, ce qui rend l’air irrespirable et on le remplace par l’argon.«
Ces serveurs produisent de la chaleur. Celle-ci n’est pas perdue : tous les bâtiments du site vitrollais sont chauffés grâce à elle. D’ailleurs, des travaux sont en cours, « pour mettre les bâtiments aux dernières normes« .
À côté des datacenters, qui abritent pas moins de 17 000 serveurs, répartis dans des « allées froides » et des « allées chaudes » toujours par souci écologique, on trouve une « salle de crise » et une partie supervision avec un mur d’écrans et des opérateurs qui surveillent que tout va bien.
21,2 milliards de mises de jeu par an
Roland Marzo traduit quelques données affichées sur les moniteurs : « Le camembert qui indique 29 344, c’est le nombre de terminaux des commerçants connectés, nos détaillants. Il va baisser entre midi et deux et remonter en fin de journée puisque nous sommes vendredi, avec le tirage de l’Euromillions. Il y a des jours de pics, comme le vendredi 13 évidemment.«
Les prises de jeux aussi sont comptabilisées : « Regardez, il y en a 332 à la seconde en ce moment. Mais on a déjà dépassé les 1 000. Ça joue depuis Papeete, la Guyane, la Réunion. C’est pour cela que des opérateurs travaillent 24 heures sur 24. On propose aussi du pari sportif, et quand la NBA joue, ça se passe la nuit !«
Cinq milliards de transactions annuelles avec 21,2 milliards de mises de jeu sont enregistrées ici. Des chiffres qui donnent le tournis. Et qui font rêver nombre d’entre nous au moment de valider nos grilles.