C’est un petit terrain entouré de grillage, recouvert de gravier avec, en son centre, un local rudimentaire servant d’ordinaire à stocker du matériel. C’est ici, sur ce site situé en face du CCAS de Vitrolles et appartenant à la Propreté Urbaine de la municipalité, que Franck, Iana et leurs trois enfants sont installés depuis mi-mars.
Chassés de la zone des Estoublans où ils squattaient déjà un terrain privé, ils ont investi les lieux avec leur camping-car et leur caravane. « On se débrouille comme on peut. Dans la caravane, on a installé une douche, on dort tous les 5 dans le Camping-Car, et pour l’électricité, on est branché sur le compteur de la propreté urbaine« , raconte Iana, 30 ans. Le local, chauffé, sert de lieu de vie aux parents et aux trois enfants âgés de 3, 5, et 12 ans.
Comme son mari, cette mère de famille issue de la communauté des gens du voyage, veut se sédentariser depuis des années. « On veut bien rentrer dans le système mais on ne trouve pas d’appartement alors qu’on demande un logement social depuis plus de 5 ans« .
« Quel père laisserait ses enfants dormir dehors ? » (Franck Renaud)
Pour Franck, 51 ans, squatter est donc devenu « une obligation* » : « Heureusement que je possède un camping-car, sinon je ce serait le trottoir pour ma toute la famille. Moi je peux dormir sous un pont, mais quel père laisserait ses enfants dormir dehors ? Je suis citoyen français, je perçois des aides de l’état, j’ai fait des demandes de logement prioritaire* (dispositif Dalo en lien avec la préfecture des Bouches-du Rhône), mais rien n’y fait, j’attends toujours », fulmine le père de famille. « Il y a toujours quelqu’un de plus prioritaire que nous. Comment est-ce possible » demande Iana.
Un référé d’expulsion à la demande la ville de Vitrolles
Des arguments qui ne semblent pas convaincre la mairie de Vitrolles : « Monsieur Renaud a passé plusieurs appels au CCAS pour installer sa caravane (…). Ce terrain communal n’ayant pas cette vocation d’accueil ni les installations adéquates, il lui a été indiqué par les agents qu’il relevait de l’aire d’accueil du Réaltor et qu’il pouvait se saisir de cette possibilité. M. Renaud a toujours décliné cette offre et a préféré s’installer sur ce terrain. La Ville ne pouvant tolérer cette installation, un référé d’expulsion a été pris à son encontre« .
La Ville précise également que « dans le cadre de la demande de logement de M. Renaud, ce dernier relève du dispositif DALO. Il a été proposé trois fois en commission d’attribution logement par la Préfecture dont la dernière en novembre 2023. Une proposition de logement a d’ailleurs été refusée par ce dernier au motif que le garde corps n’était pas assez haut. »
« On s’installe, les huissiers arrivent, et on est obligé d’aller ailleurs » (Iana)
Menacée une nouvelle fois d’expulsion, Franck et Iana sont fatalistes : « cela fait des années qu’on entre illégalement dans des propriétés, on se branche sur l’électricité. On ne le fait pas pour abuser, mais par obligation » explique Franck. « On ne peut pas quitter Vitrolles, car nos enfants y sont scolarisés. On vit toujours sous la menace de l’expulsion. On s’installe, les huissiers arrivent, et on est obligé d’aller ailleurs, c’est une vie angoissante pour nous et pour nos enfants » se désespère Iana, consciente qu’il faudra sans doute, dans les jours ou les semaines qui viennent, se trouver un nouvel emplacement.