Grand rendez-vous annuel des mélomanes internationaux, le festival d’Aix-en-Provence fête cet été ses 75 ans. Avec une programmation où alternent nouvelles productions lyriques, opéras en concert et rendez-vous musicaux de prestige. Ainsi, au chapitre des spectacles lyriques, sont à l’affiche notamment le « Cosi fan tutte » de Mozart, au théâtre de l’Archevêché et, au Stadium de Vitrolles, une proposition autour de Stravinsky.
En 1948, c’est avec « Cosi fan tutte », l’un des ouvrages majeurs de Mozart, qu’a été lancé le festival d’Aix-en-Probvence. C’est constater le lien existant entre cette œuvre et la grande manifestation de l’été sous le ciel de Provence. Pour cette édition 2023, cet opéra est à nouveau à l’affiche. Dans un contexte théâtral qui, autant l’exprimer d’entrée, a sérieusement dérouté le public de ce mois de juillet dans la cour de l’Archevêché, sanctionnant de réactions hostiles et prolongées, à l’issue de la troisième représentation, un spectacle singulier et d’une lecture surprenante.
Un huis clos où évoluent des artistes choisis pour leur maturité
Dans le décor unique et contemporain d’un appartement bourgeois meublé en design, ce « Cosi » n’apporte guère de satisfactions. D’où les réactions d’une partie des spectateurs. Réputé enfant terrible du théâtre russe, Dmitri Tcherniakov, déjà invité à Aix-en-Probence pour un « Don Giovanni » du même Mozart, puis une « Carmen » particulièrement décapante il y a quelques années, signe une nouvelle fois une mise en scène anticonformiste. Avec lui, finis les émois de la jeunesse et la légèreté du climat ambiant, place à la manipulation et au projet d’échangisme entre personnages ayant atteint, dans leur majorité, la soixantaine. Avec un choix délibéré de réunir des artistes lyriques n’ayant plus chanté le rôle depuis longtemps et déployant des moyens vocaux devenus discutables, le résultat global peut déstabiliser voire irriter. Malgré leur technique, Agneta Eichenholz et Claudia Mahnke ( respectivement Fiordiligi et Dorabella), ne peuvent convaincre vraiment, ni Rainer Triost et Russell Braun ( Ferrando et Guglielmo) d’ailleurs. Autour d’eux, la Despina de Nicole Chevalier montre un talent de comédienne manifeste tandis que le Don Alfonso de Georg Nigl délivre une interprétation vocale sans relief. Au même titre que le rendu orchestral signé Thomas Hengelbrock.
Stravinsky magnifié par le jeune chef finlandais Klaus Mäkelä
Changement radical avec le programme Stravinsky affiché au Stadium de Vitrolles. Déjà utilisé l’an dernier par le festival d’Aix-en-Provence, le bâtiment, longtemps désaffecté, construit par l’architecte Rudy Ricciotti a réservé cet été, malgré une température suffocante, de formidables moments aux mélomanes. Grâce à l’intérêt du contenu du concert (baptisé « Ballets russes », il réunissait trois partitions du compositeur), au concept du spectacle proposant trois films projetés pendant l’exécution orchestrale, au niveau supérieur de l’Orchestre de Paris, et à la direction enfin du jeune chef finlandais Klaus Mäkelä.
Une direction enthousiasmante aboutissant à un légitime triomphe final
Avec, respectivement, « L’oiseau de feu », » Petrouchka » et « Le Sacre du printemps », visuellement illustrés par des réalisations cinématographiques de Rebecca Zlotowski, Bertrand Mandico et Evangelia Kranioti, émerveillements constants à l’écoute de la performance de l’ensemble de la formation musicale et de ses pupitres d’excellence. Portées par des instrumentistes du meilleur niveau et par un chef d’un incroyable investissement, les œuvres de Stravinsky, par leur force, leur écriture puissamment colorée et leur richesse, ont ébloui. D’une énergie spectaculaire, d’une précision exemplaire, d’un souci permanent des détails et des contrastes, Klaus Mäkelä, littéralement essoré à l’issue du concert a indéniablement marqué le festival 2023. De sa fougue, sa sensibilité et sa générosité.